Opéra Garnier : pour quelques fauteuils de plus...

Avant transformation des loges. On note l’importance des cloisonnements pour le rythme de la salle et comme support de l’éclairage
Après transformation des loges. Le rythme architectural est rompu et l’éclairage devenu blafard

La direction de l’Opéra de Paris a entrepris en août 2015 la suppression des cloisons séparant les loges de la salle du Palais Garnier. Elle a voulu ainsi, selon ses dires, favoriser l’installation à Garnier de trente fauteuils de plus avec une bonne visibilité (et un prix élevé).

L’Opéra de Paris fait mine de ne pas se rendre compte que cette manœuvre détruit l’harmonie de la salle du Palais Garnier.

D’abord, le rythme régulier des cloisons est défait et laisse place à des béances au niveau des loges de face : la salle paraît édentée. Cette béance laisse apparaître les colonnes de soutènement en métal, qui étaient masquées par les cloisons.

Poteau désormais apparent
Rail marquant l’emplacement de la cloison séparative

Ensuite, la lumière plafonnière des loges ne bénéficie plus des retombées et renvois de lumières créés par les cloisons : les loges sont donc éclairées par une lumière blafarde et crue.

Enfin, les salons arrière ont disparu afin de pouvoir mettre plus de fauteuils : on s’entassera désormais dans des box qui n’ont rien à voir avec ce que voulait Garnier.

C’est sans attendre l’autorisation définitive de la DRAC que les cloisons des loges de face ont été ôtées - ou plutôt arrachées. Les loges sont devenues des pièces sans structure ni ordonnance. Architecturalement, cela n’a plus aucun sens.

Fusion de trois loges pour en donner une. Au plafond, trace des anciennes cloisons

Le projet est désormais d’installer des cloisons amovibles qui seront repliées avant chaque représentation et remises en place après afin que les visiteurs de la journée voient la salle dans son état "normal" - les spectateurs n’auront droit de voir la salle qu’en état "modifié".

Les raisons avancées par l’Opéra ont varié. Le premier argument fut économique, mais très vite on leur objecta que 30 places constituent une recette supplémentaire dérisoire au regard des recettes annuelles. Du reste, l’Opéra n’a pas été capable de nous donner une estimation de la recette attendue. Ensuite, l’Opéra a parlé d’une meilleure acoustique : mais aucune étude ne le démontre. Puis, on nous a invoqué une meilleure visibilité, mais l’entassement des spectateurs dans les loges ne garantit en rien cette visibilité. Dernièrement, l’Opéra a indiqué que Garnier lui-même avait voulu cette transformation en rendant les cloisons amovibles : c’est une interprétation erronée des écrits de Garnier, qui a en effet rendu amovibles certaines cloisons pour des occasions ponctuelles et dans des conditions précises. Garnier n’a jamais eu l’intention de supprimer les loges qu’il avait si soigneusement conçues !

Un Comité Garnier s’est formé le 6 novembre et a lancé une pétition qui au 12 novembre a recueilli 8500 signatures. L’Académie des Beaux-Arts a demandé l’abandon immédiat de ce projet. Hugues Gall, membre de l’Institut et ancien directeur de l’Opéra, est sorti de sa réserve pour faire part de son indignation, dans plusieurs supports de presse. D’anciens architectes en chef des monuments historiques affectés au Palais Garnier ont fait part de leur incompréhension. L’architecte en chef actuellement en charge du Palais Garnier a, pour sa part, exprimé ses expresses réserves. Les médias français et étrangers se sont émus.

A gauche (loges de face), l’ancien cloisonnement a été supprimé, tandis, qu’à droite, les loges de côté sont toujours en place

Rien de tout cela ne fait bouger la direction de l’Opéra de Paris qui semble très convaincue du bien-fondé d’un projet qui, en tentant d’exploiter au maximum le Palais Garnier, va tuer la poule aux œufs d’or et faire de ses dirigeants les fossoyeurs d’un bien dont ils ont la gestion, mais pas la propriété. Le silence de la ministre de la Culture, doublement en charge de ce monument unique, est assourdissant.

Le combat continue afin de ramener les dirigeants de l’Opéra de Paris à la raison et des initiatives seront prises dans les jours à venir pour renforcer notre action.

Sylvain Fort

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Salle de l’opéra Garnier avant suppression des cloisons des loges de face

Une pétition a recueilli plus de 4000 signatures en moins de 3 jours :
Signer la pétition

L’Académie des Beaux-Arts a publié un communiqué demandant l’arrêt des travaux et l’abandon du projet.

Hugues Gall, ancien directeur de l’Opéra, a publié dans le Journal du Dimanche une tribune virulente.

La presse se fait l’écho de cette polémique, entre autres :
Le Figaro
Le Nouvel Obs
Valeurs Actuelles
Le Temps
DW.com
Slippedisc.com

Plusieurs arguments fallacieux de l’Opéra de Paris sont démontés ici et ici