Vente du pavillon du Butard : un amendement de l’ONF privera-t-il la SPPEF de son recours ?

On se souvient que la SPPEF a attaqué le décret de cession du pavillon du Butard, le plus beau des pavillons de chasse construits par Ange Jacques Gabriel pour Louis XV, transmis au delà des changements de Régimes comme un attribut de l’Etat et de la Nation. Le litige est actuellement pendant devant le Conseil d’Etat.

12. Ange-Jacques Gabriel (1698-1782), Premier architecte du roi, pavillon du Butard (1750-1754) mis en vente par France Domaine en février 2015 (cession attaquée par la SPPEF)
Pavillon du Butard, intérieur du Grand salon

Ce pavillon fait en effet naturellement partie de la catégorie des domaines nationaux, comme dépendance du château de Versailles ou du château de la Malmaison, au début de l’Empire (le mobilier commandé à cette époque étant toujours conservé dans les collections publiques). Or, le projet de loi Liberté de création, architecture et patrimoine vise à faire de ces domaines des biens "inaliénables et imprescriptibles" de l’Etat (projet d’articles L. 621-34 et suivants du code du patrimoine).

Notre action, en ce qu’elle oblige à différer cette vente et pourrait même l’invalider, contrarie la stratégie de l’Office national des forêts (ONF) visant à accélérer ses cessions avant l’entrée en vigueur de la nouvelle loi.

Est-ce d’ailleurs un hasard si un amendement, déposé par le sénateur du Loiret Jean-Noël Cardoux, président du "groupe d’étude chasse et pèche" de la haute assemblée, prévoit une exception à l’inaliénabilité des biens de l’ONF dépendant des domaines nationaux s’agissant d’"opérations déjà engagées dont la liste est fixée par décret en Conseil d’Etat".

Ange Jacques Gabriel (1698-1782), pavillon de La Muette (1766-1775) édifié pour Louis XV dans la forêt domaniale de Saint-Germain-en-Laye. Vendu 800 000 euros en juillet 2014
Ange Jacques Gabriel (1698-1782), pavillon de La Muette (1766-1775), autre façade. On note une parenté évidente avec le Petit Trianon. Vendu en juillet 2014

Censé "permet[tre] d’assurer une transition dans la politique immobilière de l’Etat", il aurait surtout pour effet de fonder directement dans la loi les ventes de l’ONF, le juge n’ayant plus qu’à s’incliner quels que soient les arguments de la SPPEF. L’exposé des motifs de l’amendement fait d’ailleurs presque exclusivement référence au pavillon du Butard. Son inclusion dans l’un des décrets de cession est une grave erreur et l’on ne comprend pas ce qui justifierait qu’elle produise toutes ses conséquences. Le Butard doit être inclus dans futur le domaine national de Versailles (ou de Malmaison) et être remis gratuitement au Centre des monuments nationaux qui en assurera l’exploitation.

Non content d’avoir déjà vendu le pavillon de La Muette, également construit par Gabriel pour Louis XV (pour la somme ridicule de 800.000 euros), nous savons que l’ONF prépare une nouvelle fournée de cessions, qui comprendra notamment un troisième - et dernier en mains publiques - pavillon conçu par Gabriel pour Louis XV (!), celui de Fausses Reposes. Cerise sur la cession, les terrains alentours, dépendants de la forêt domaniale du même nom, seront également vendus, la mairie de Ville-d’Avray ayant expliqué benoîtement dans son Bulletin qu’elle en ferait l’acquisition afin de les déclasser dans son PLU de la zone N (naturelle) à la zone U (urbanisable) afin d’y réaliser une promotion immobilière "justifiant la création de services notamment commerciaux dans le quartier" ! Cession-urbanisation ainsi particulièrement choquante que la SPPEF se réserve la possibilité d’attaquer, si toutefois la loi ne le lui interdit pas...

Ange Jacques Gabriel (1698-1782), pavillon de Fausses Reposes (1755), édifié pour Louis XV dans la forêt domaniale de Fausses Reposes, et son environnement boisé bientôt mis en vente par France Domaine
Ange Jacques Gabriel (1698-1782), pavillon de Fausses Reposes, élévation, 1755, AN O1 1871

Cet amendement de circonstance, est doublement inacceptable. Sur le fond, car il vise à priver la Nation d’un patrimoine qui lui revient et sur la forme, car dirigé contre l’action en justice d’une association reconnue d’utilité. Nous nous faisions une plus haute idée de la loi et de l’administration.

La SPPEF est soutenue dans son action par Yvelines Environnement et par l’Association des Amis des Forêts de Versailles et Fausses-Reposes (logos cliquables) :

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