Décret isolation par l’extérieur : qualité architecturale en danger !

La SPPEF - Sites & Monuments appelle au retrait du décret "Isolation par l’extérieur"

Le décret du 30 mai 2016 menace des milliers de façades d’habitations françaises en imposant en pratique, à compter du 1er janvier 2017, la technique de l’isolation par l’extérieur en cas de ravalement.
Sites & Monuments appelle à une prise de conscience des risques que fait peser ce décret sur la qualité architecturale des habitations, tant d’un point de vue esthétique que sanitaire.
Au-delà de ses importantes conséquences sur le bâti, ce décret s’avère confus, irrespectueux de la loi sur la transition énergétique et induit des coûts importants pour les propriétaires.
Enfin, Sites & Monuments s’interroge sur l’évaluation de l’impact que ce décret peut avoir, à terme, sur l’attractivité touristique de la France.
Pour toutes ces raisons, Sites & Monuments demande au Premier Ministre la réécriture du décret élaboré par le ministère de l’Environnement, et appelle les associations et particuliers concernés par le patrimoine bâti à se mobiliser.

La création d’une obligation générale d’isolation par l’extérieur pour les travaux de ravalement importants
Le décret du 30 mai 2016 relatif aux travaux d’isolation en cas de ravalement de façade (voir ici), qui entrera en vigueur le 1er janvier 2017, fait suite à la loi du 17 août 2015 sur la transition énergétique (voir ici, article 14). Généralisant l’isolation thermique par l’extérieur (ITE) des bâtiments, il confirme les craintes des associations.
Ce texte confus est à la fois irrespectueux de la loi qu’il entend appliquer, inutile et désastreux pour la qualité architecturale (voir ci-dessous). Cette technique conduit en effet à détruire les façades, les décors en saillie (modénatures notamment) étant préalablement bûchés, et génère d’importantes pathologies du bâti. Elle est en outre coûteuse et fragile. Le décret ignore les avertissements et propositions faites par les associations (voir ici et ici) et professionnels lors des réunions de concertation tenues au ministère de l’Ecologie en janvier 2016, puis les protestations du public consulté en février 2016.
Contrairement à ce que prévoit la loi, le décret crée en effet une obligation générale d’isolation par l’extérieur pour tout propriétaire entreprenant des « travaux de ravalement importants  » touchant à l’« enduit » ou aux «  parements  » des façades.

Les propriétaires devront payer un architecte pour s’exonérer
Seule façon de s’exonérer de cette obligation, le propriétaire devra faire dresser par un architecte une « note argumentée justifiant de la valeur patrimoniale ou architecturale de la façade » (nouvel article R. 131-28-9 II du code de l’urbanisme).
Pour ne pas isoler son bien, le décret impose, en définitive, la rémunération d’un professionnel. Or celui-ci n’est que très rarement consulté lors de ce type de travaux. Pis, ils peuvent naturellement être intéressés à l’opération.
Seules les zones soumises au contrôle de l’Architecte des Bâtiments de France, représentant entre 5 et 10 % du territoire, pourront espérer bénéficier d’un regard patrimonial lorsque l’obligation d’isoler - maintenue en ces lieux fragiles - est « en contradiction avec les prescription » patrimoniales.

Pour les associations, un important retour en arrière
Les associations avaient pourtant obtenu satisfaction précédemment, au sujet de l’isolation par l’extérieur, au moment des débats concernant la loi sur la transition énergétique.
La loi prévoyait en effet quelques garanties, notamment que les travaux de rénovation thermique tiennent « compte des spécificités énergétiques et architecturales du bâti existant », l’obligation ne s’appliquant ainsi qu’à certaines « catégories de bâtiments  ».
Il ne s’agissait donc pas d’une obligation générale – tandis que le terme d’« isolation par l’extérieur » avait été volontairement supprimé de la liste des travaux obligatoires afin de privilégier d’autres techniques moins intrusives (voir ici).
Mais le décret revient sur ces avancées. Aussi, les associations persistent à demander, en application de la loi, que des « catégories de bâtiments » soient définies par le décret - par date ou par matériaux mis en œuvre - afin de délimiter strictement le champ de l’obligation. Elles souhaitent également que soient prises des mesures d’accompagnement architectural de toutes les isolations par l’extérieur, volontaires ou obligatoires, afin d’éviter des travaux destructeurs pour les maisons anciennes.

Des mesures inutiles pour le bâti antérieur à 1948
Le bâti antérieur à 1948, représentant le tiers du parc des logements, met en effet en œuvre des matériaux naturels dont l’efficacité hygrothermique n’est plus à démonter. Ainsi, une circulaire du ministère de l’écologie du 22 juillet 2013 précise que « l’année 1948 est usuellement la date qui marque le début de l’utilisation massive des matériaux industriels. Les bâtiments « anciens » sont justement définis comme les bâtiments construits avant 1948. Ces bâtiments bénéficient de performances énergétiques relativement bonnes, proches des constructions du début des années 1990. Le renouvellement d’air, qui a en particulier pour objectif de réguler le taux d’humidité, s’y fait par les défauts naturels d’étanchéité » (art. 5. 2. 4). Les études menées par les services de l’État et Maisons Paysannes de France le démontrent (voir ici). Ces performances peuvent en outre être améliorées par différents travaux : isolation en sous toiture (de très loin la première source de déperdition thermique pour le bâti ancien), entretien des huisseries, etc…

Des contraintes considérables, injustifiées et dangereuses pour le patrimoine
Le décret du 30 mai 2016 fait ainsi peser des contraintes considérables et injustifiées sur de nombreux bâtiments alors que seul le bâti des Trente Glorieuses, le plus énergivore et aux façades les moins ornées, pourrait le justifier.
L’édition d’un nouveau « guide » de l’isolation - sans valeur juridique - ne pourra remédier à la mauvaise rédaction du décret, alors que d’autres guides mis en ligne sur le site du ministère, recommandant notamment la conservation des menuiseries anciennes des façades, ne sont nullement respectés. Voir ici
Devant cette menace inédite pour notre cadre de vie, et dans l’attente d’évolutions, la SPPEF - Sites & Monuments et les associations nationales de protection du patrimoine reconnues d’utilité publique du « G8 patrimoine » demandent au Premier Ministre de réformer son décret. À défaut, elles sont déterminées à saisir le Conseil d’État de sa légalité, convaincues qu’aucune relance durable – puisque c’est l’objectif principal du décret contesté – ne peut résulter de l’enlaidissement de notre pays.

Contact presse : Julien Lacaze, vice-président 06 24 33 58 41

Budget d’avocat :
 recours gracieux (première phase) : 1000 euros (1200 euros TTC)
 recours contentieux (seconde phase) : 1500 euros (1800 euros TTC)
Tout don supérieur à 15 euros bénéficie d’un reçu fiscal (voir détails ci-dessous).
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Illustrations des conséquences de l’isolation thermique par l’extérieur (ITE) avant même l’entrée en vigueur du décret du 30 mai 2016 tendant à la généraliser :

Isolation en cours de pose. Doc SPPEF
Chanvribloc. Doc SPPEF
PENTAX Image
PENTAX Image
Maison avant ITE (Yonne). Doc SPPEF
Maison après ITE (Yonne). Doc SPPEF
Maison avant ITE (Haute-Saône). Doc SPPEF
Maison après ITE (Haute-Saône). Doc SPPEF
Chapelle avant ITE (Loire). Photo SPPEF - Sites & Monuments
Chapelle après ITE (Loire). Photo SPPEF - Sites & Monuments
Maison avant ITE (Seine-Maritime). Doc SPPEF
Maison après ITE (Seine-Maritime). Doc SPPEF
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SPPEF ITE modénatures
ITE-tourville-la-campagne-eure-normandie-ouate-de-cellulose-et-bardage-bois (2)
ITE-tourville-la-campagne-eure-normandie-ouate-de-cellulose-et-bardage-bois (5)
Bonnieux (Vaucluse). Photo SPPEF
Bonnieux (Vaucluse) (2). Photo SPPEF
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Colombes (Hauts-de-Seine). Photo SPPEF
Isolation défectueuse par dales de polystyrène
Modénature de substitution. Doc SPPEF
Modénature de substitution. Doc SPPEF (2)