Lugny-lès-Charolles (Saône-et-Loire) : concilier développement économique et respect du patrimoine

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Le classement des bâtiments au titre des monuments historiques date du XIXe siècle mais ce n’est qu’en 1943 qu’une loi consacre un périmètre de protection à leurs abords.

Tous les travaux prévus dans un rayon de 500 mètres autour d’un monument classé ou inscrit sont soumis à une autorisation préalable de l’architecte des bâtiments de France s’ils sont visibles depuis ce monument ou en même temps que lui. Ce périmètre est une pièce essentielle de la protection de nos paysages ruraux ou urbains puisqu’il permet la préservation des édifices classés avec leur environnement. À quoi bon conserver intact un bâtiment remarquable si ses alentours nous font détourner le regard ? Sites & Monuments est d’ailleurs intervenue sur le sujet en 2016 lors de l’élaboration de la loi Création, Architecture et Patrimoine. Notre association a demandé le principe d’un rayon de 500 mètres contre le projet de loi qui prévoyait un périmètre d’abords flexible. Nous n’avons malheureusement pas été entendus sur ce point.

Le château de Lugny-lès-Charolles (Saône-et-Loire) est une demeure construite en 1771 par l’architecte bourguignon Edme Verniquet sur la base d’une forteresse médiévale. Verniquet, également auteur du château voisin de Saint-Aubin-sur-Loire, est célèbre pour son plan de Paris paru en 1791 au terme de vingt-deux ans de travail. La façade sud, qui suit le dessin de la forteresse qui l’a précédée, présente un tracé polygonal original. Les communs, la cour d’honneur et sa grille entourent la façade principale. L’ensemble est complété d’une orangerie, d’un pigeonnier et d’un parc à l’anglaise.

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Inscrit au titre des monuments historiques en 1964, ce château bénéficie d’une protection de ses abords dans un rayon de 500 mètres.

Ce cadre historique est un lieu privilégié pour les réunions et rassemblements : le parc et une partie des bâtiments protégés sont notamment utilisés par les habitants de Lugny-lès-Charolles et des communes voisines depuis 40 ans pour une fête à l’occasion des Journées du Patrimoine.

Dans ce périmètre protégé se trouve un établissement ICPE (Installations Classées pour la Protection de l’Environnement) de constructions métalliques peu respectueux des contraintes légales. En plus de l’inexactitude d’éléments constitutifs des dossiers de demande de permis de construire déposés auprès de l’Administration, une partie de ses installations a été réalisée sans les autorisations d’urbanismes requises par les textes.

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Depuis 2014, d’autres travaux ont été réalisés qui doublent pratiquement sa surface sol. Une première plate-forme a ainsi été aménagée en recouvrant une prairie de granulats tandis qu’une seconde plate-forme (actuellement située derrière un mur de bardage à claire-voie) a été créée grâce à des terrassements.

Ces aménagements, situés en surplomb de la vallée de l’Arconce (ZNIEFF de type II), ont été réalisés au détriment du site et au mépris des recommandations fixées par les documents d’urbanismes applicables tels la Charte de qualité paysagère du Scot Pays Charolais-Brionnais. De belles prairies, des paysages et les abords d’un monument classé sont ainsi atteints par la présence de véhicules de chantiers, de semi-remorques, de bennes à ordures et déchets industriels, mais également de stocks de matériaux de construction, nuisances qu’il est possible de supprimer ou d’atténuer.

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Le plus incongru est l’implantation, dans ce village rural, d’une tour Eiffel métallique de 15 mètres de haut censée constituer l’enseigne de l’entreprise. Cette structure était-elle véritablement indispensable à l’activité sociale, aux abords d’un monuments historique ?

L’entreprise concernée a récemment fait l’objet d’une procédure devant le Parquet de Mâcon lui imposant la destruction d’un auvent. A cette occasion, le représentant du Procureur a noté au passage « sa détermination à contourner la réglementation ».

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Ces travaux, menés sans les permis de construire ou sans les autorisations nécessaires dans le périmètre d’un monument historique, n’ont malheureusement pas ému outre mesure l’Architecte des Bâtiments de France compétent. L’enjeu est pourtant aussi intéressant que délicat : celui de concilier le développement d’une entreprise avec la préservation du paysage et des abords d’un monument.

Si cette entreprise ICPE de métallurgie devait poursuivre son expansion industrielle - évidemment souhaitable - de nouvelles nuisances visuelles et auditives ne pourraient qu’apparaître dans cette localité au caractère rural affirmé. Pourtant, une zone industrielle adaptée à ses activités existe, à seulement 8 kilomètres... Il s’agit peut-être là d’une solution car tous les emplois seraient préservés et associés à la qualité de vie retrouvée de la collectivité et des habitants du village de Lugny-les-Charolles.

Les courriers envoyés au Préfet par Sites & Monuments et La Demeure Historique pour attirer son attention sur cette problématique sont restés à ce jour sans réponse. Pourtant, les abords du château de Lugny-lès-Charolles, comme les paysages du Val d’Arconce - eux aussi source d’activité économique - doivent être respectés. 

François Béchade, secrétaire général adjoint