Sauvons la gare de Bouchain (Nord), édifiée en 1858 !

Édifié en 1858 et dernier témoin de l’épopée ferroviaire dans le Valenciennois-Cambrésis, le bâtiment-voyageurs de la gare de Bouchain est en grand danger. La SNCF, son propriétaire, envisage de le détruire.

Gare de Bouchain (Nord) aujourd’hui (quais)
Gare de Bouchain (Nord), carte postale vers 1900

La gare de Bouchain est située à l’extrémité de la basse ville de Bouchain, une ville fortifiée dont les remparts témoignent de l’intervention de Charles Quint puis de Vauban. Nous sommes dans le territoire de l’Ostrevant, au cœur des routes et voies ferrées venant de Valenciennes, Douai et Cambrai.

En 1858, ce territoire se métamorphose sous l’effet conjugué de l’exploitation du charbon et du vaste bassin sidérurgique qui, peu à peu, s’étend en bordure de l’Escaut. Une première ligne ferroviaire est déjà déployée depuis 1838 par la Compagnie des Mines d’Anzin entre cette cité et Denain. Dans le même temps, la famille Rothschild, propriétaire de la Compagnie des Chemins de fer du Nord (CCFN) obtient les droits de concession d’une liaison ferroviaire entre Paris et ce grand bassin industriel. Des sections de lignes sont progressivement ouvertes et, en 1858, le maillon reliant la gare de Somain au nœud ferroviaire de Busigny est mis en service. Il est vital, car il ouvre le marché du charbon et des produits métallurgiques du Valenciennois au Bassin Parisien et à Paris, via Cambrai.

Gare de Bouchain (Nord) aujourd’hui

C’est dans ce cadre que, le long de cette ligne de Somain-Busigny, la CCFN charge son architecte principal, Etienne Lejeune, d’organiser la construction de gares comprenant un bâtiment-voyageurs et une halle de logistique ferroviaire. Dans ce territoire de l’Ostrevant, trois principales gares sont édifiées : celles de Lourches, de Bouchain et d’Iwuy. Elles sont toutes trois d’architecture similaire : pilastres de briques entrecoupées de pierres blanches soulignant à la fois la hauteur et les étages ; porte en plein cintre, poutre portante en fonte décorée, etc…

De ces trois gares à l’architecture exceptionnelle, car représentative de cette période industrielle de la deuxième moitié du XIXe siècle, il n’en reste aujourd’hui qu’une : celle de Bouchain. Cette ville fortifiée, riche d’un passé plus que millénaire, est ainsi dotée de la seule gare rescapée de cette épopée ferroviaire du XIXe siècle. Dernier bâtiment subsistant du Valenciennois-Cambrésis, mais aussi dernier bâtiment ferroviaire conservé de cette période sur la ligne Lille-Paris dans le département du Nord.

Gare de Bouchain (Nord) aujourd’hui (côté route)
Gare de Bouchain (Nord), carte postale vers 1900

Dernière particularité, et non des moindres, le bâtiment-voyageurs de la Gare de Bouchain, ainsi que sa Halle de logistique ferroviaire, ont échappé, de façon totalement extraordinaire, aux destructions dues aux bombardement de la ville le 24 mai 1940 (dans le cadre de la bataille dite de l’Escaut, Bouchain est en effet détruite à plus de 80%).

Traversant les décennies et les guerres, cette gare est aujourd’hui menacée de destruction totale par la SNCF. Selon cette dernière, cette décision serait dictée par une baisse du nombre de voyageurs réguliers. Fermé au public depuis 2009, laissé à l’abandon, non chauffé, le bâtiment serait ainsi condamné. Pourtant, fièrement, les briques, pierres blanches et poutres métalliques résistent. De l’extérieur, le bâtiment ne présente aucun danger puisque la SNCF laisse, depuis des années, ses voyageurs la côtoyer pour accéder aux quais.

Gare de Bouchain (Nord) aujourd’hui (halle de logistique)

Face aux interrogations de la ville de Bouchain, de la presse et des défenseurs du patrimoine, la SNCF avance que la réhabilitation nécessaire à la réouverture au public générerait un coût de 980 000 euros, alors que la destruction serait quant à elle chiffrée à 150 000 euros.

Face à cette situation, un collectif de citoyens de Bouchain et des villes voisines (Neuville sur Escaut, Lieu-Saint Amand ou encore Hordain) s’est constitué pour solliciter un moratoire auprès de la SNCF, c’est-à-dire, de surseoir à sa décision de démolir le bâtiment voyageurs pour une période d’un an. Cela permettrait de conduire sereinement l’ensemble des démarches nécessaires à la sauvegarde du bâtiment-voyageurs de la gare (possibilités de vente, de location, de mécénat, de nouveaux usages)...

Gare de Bouchain (Nord), carte postale vers 1900

Mais la situation est très délicate : alors que les Architectes des bâtiments de France, mandatés par la DRAC des Hauts-de-France, se sont rendus sur place, que de multiples associations locales régionales et nationales (Fondation du Patrimoine, Association pour la Préservation de la Mémoire Ferroviaire APMF-59 et la SPPEF- Sites & Monuments) se mobilisent, alors qu’une pétition nationale a été lancée sur le site change.org, la SNCF maintient son plan de destruction. Pire, elle entend même, contre toute logique, accélérer son funeste projet.

L’urgence s’impose ainsi pour sauver la Gare de Bouchain, le dernier témoin de l’épopée ferroviaire du XIXe siècle dans le grand bassin industriel du Valenciennois-Cambrésis.

Francis Dudzinski, historien, auteur du livre Denain-Bouchain Histoire d’un bassin industriel, éd. Sutton, 2018.

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Mise à jour : une démolition planifiée pour la semaine du 2 juillet 2018

Devant la mobilisation et les demandes de protection, la SNCF souhaite accélérer le processus de démolition. Des préparatifs ont en effet été notés sur place, tandis que la ligne ferroviaire desservant la gare sera fermée du 2 au 6 juillet 2018...

Gare de Bouchain (Nord), préparatifs de la démolition. Photo prise le 28 juin 2018
Annonce de travaux en gare de Bouchain et fermeture de la ligne entre le 2 et le 6 juillet 2018