Le château de La Bourbansais, fleuron touristique de Bretagne, bientôt victime des éoliennes ?

Le château de La Bourbansais (Ille-et-Vilaine) des XVIe et XVIIIe siècles et son spectacle d’oiseaux en vol libre

Le château de La Bourbansais, construit au XVIe siècle à l’emplacement d’une ancienne villa gallo-romaine, et agrandi au XVIIIe siècle, figure parmi les plus importants de Bretagne. Avec ses perspectives monumentales, ses différents jardins et son parc « à la française », il a été classé au titre des monuments historiques par arrêté du 24 novembre 1959 (voir ici). Cette protection atteste de l’intérêt public touchant à sa conservation. 

Château de La Bourbansais, intérieurs.

Le château, qui fait l’objet d’un entretien régulier et d’importantes restaurations depuis plus de 15 ans, sous le contrôle de la DRAC et d’Architectes en Chef des Monuments Historiques, est dans un état d’entretien remarquable et notable dans la Région. A ce titre, ses propriétaires privés participent à hauteur de 40% à tous les travaux, qui bénéficient soulignons-le, au titre de son classement, de 60% de subventions (Etat : 40% et région Bretagne : 20%). Différentes collectivités ont ainsi investi plus d’1,5 M€ (et 500 K€ par le propriétaire) depuis plus de 10 ans, principalement pour maintenir ses toitures ; il serait pour le moins étonnant que tant d’argent ait été investi pour la préservation d’un monument dont l’environnement serait dégradé par un projet éolien situé à seulement 1,7 km du château et 1,3 km de la lisière de son parc...

Château de La Bourbansais et projet d’implantation de quatre éoliennes (A, B, C et D), la plus proche étant à seulement 1,7 km du château et à 1,3 km de la lisière de son parc. Photo Google Earth

Très largement ouvert au public (362 jours par an), La Bourbansais fut l’un des tout premier château à s’ouvrir au public dans les années 1960. Il accueille chaque année près de 130 000 visiteurs, touristes français mais également étrangers, ce qui en fait l’un des premiers châteaux privés visités de France. Il est, à ce titre, considéré comme un site touristique "majeur" par le département d’îlle-et-Vilaine.

Étude d’impact réalisée par le promoteur. Absence totale de reconnaissance de la covisibilité des éoliennes avec le château.
Étude d’impact réalisée par le promoteur. Covisibilité admise de la partie supérieure des pâles d’une seule éolienne (entourée en rouge par nos soins).
Mémoire en réponse du promoteur arguant du "caractère boisé et bocager" de l’environnement du château de La Bourbansais, qui dissimulerait les éoliennes, août 2017

Une importante activité touristique s’est progressivement développée autour de ce site préservé de plus de 100 hectares, composé d’un Parc Zoologique et de deux spectacles animaliers : l’un d’oiseaux en vol libre (plus de 60 oiseaux de 15 espèces différentes) et l’autre intitulé « des chiens et des hommes », relatant la plus ancienne collaboration entre l’homme et l’animal. Ces deux spectacles animaliers utilisent les deux perspectives monumentales du château, ouvertes sur les paysages environnants. Ils emploient 18 salariés à l’année et le double en saison et participent grandement à la notoriété de ce joyau architectural, qualifié localement de « Puy du Fou breton ». 

Photographie prise à la demande du propriétaire avec ballon s’élevant à 145 m, figurant l’extrémité des pales de l’éolienne A. Sa position est soulignée par l’huissier (Voir constat du 8 octobre 2015).
Photographie prise à la demande du propriétaire d’un autre point avec ballon s’élevant à 145 m, figurant l’extrémité des pales de l’éolienne A. Sa position est soulignée par l’huissier (Voir constat du 8 octobre 2015).

Les oiseaux, espèces rares ou en voie de disparition protégés par les conventions internationales, totalement libres de leur mouvement, auront de fortes probabilités de rencontrer les pales des éoliennes... Le château de La Bourbansais devra-t-il abandonner ce spectacle indispensable à son attractivité touristique ? Ou le maintenir avec un risque de mortalité pour les oiseaux et de sanctions pénales pour le propriétaire ?

L’ABF et les services du Patrimoine ont réitéré leur avis très négatif à ce projet prévoyant l’implantation de quatre éoliennes d’une hauteur de 145 mètres, dont deux se situeraient à seulement 1,7 km du monument, altérant ainsi gravement l’environnement et les perspectives monumentales du château.

Photographie prise à la demande du propriétaire avec ballon s’élevant à 145 m, figurant l’extrémité des pales de l’éolienne B. Sa position est soulignée par l’huissier (Voir constat du 8 octobre 2015).
Photographie faite à la demande du propriétaire d’un autre point avec ballon s’élevant à 145 m, figurant l’extrémité des pales de l’éolienne B. Sa position est soulignée par l’huissier (Voir constat du 8 octobre 2015).

L’Étude d’impact - financée par le promoteur - reconnait l’importance patrimoniale du site, tout en niant l’impact paysager des éoliennes : "Le secteur est particulièrement sensible d’un point de vue patrimonial en raison de la proximité du château de la Bourbansais. Le château se situe en effet à un peu moins de 2 kilomètres de l’entité la plus proche, tandis que la lisière du parc est quand-à-elle située à un peu plus d’un kilomètre. Depuis le site, le château est cependant totalement masqué par les grands arbres du parc. Par ailleurs, l’aménagement du parc de la Bourbansais en zoo apparaît davantage destiné aux loisirs et au tourisme qu’à une simple conservation du lieu. Dans ce contexte, le parc et le château de la Bourbansais semblent ainsi compatibles avec un geste fort en faveur du développement durable que représenterait un projet éolien sur ce secteur." (p. 19/350) Il vaut mieux en rire... Plus loin, le promoteur réitère son appréciation : "Les éoliennes ne sont pas visibles, en période feuillée, depuis l’allée principale du parc de la Bourbansais, car masquées par la végétation du parc ; en période défeuillée, leur perception reste limitée à inexistante de par la densité de la végétation." (p. 183-209/350)

Photographie prise à la demande du propriétaire avec ballon s’élevant à 145 m, figurant l’extrémité des pales de l’éolienne C. Sa position est soulignée par l’huissier (Voir constat du 8 octobre 2015).
Photographie prise à la demande du propriétaire d’un autre point avec ballon s’élevant à 145 m, figurant l’extrémité des pales de l’éolienne C. Sa position est soulignée par l’huissier (Voir constat du 8 octobre 2015).

Choqué par l’idée que l’appréciation les incidences du parc éolien sur les perspectives du château puisse dépendre d’une étude d’impact réalisée par le seul promoteur, nous avons immédiatement demandé communication des coordonnées exactes des éoliennes afin de réaliser nos propres simulations. Cette demande n’ayant pas été satisfaite par le promoteur, nous lui refusions l’accès au domaine de la Bourbansais. Aucune nouvelle demande n’a été faite depuis, y compris après les recommandations de la Mission régionale de l’environnement du 17 janvier 2018 constatant l’insuffisance des photomontages du promoteur.

Ces données ayant été, par la suite, rendues publiques, il devenait possible de placer un ballon-sonde à l’extrémité d’un câble de 145 mètre aux points GPS désignant les quatre éoliennes (nommées pour l’occasion A, B, C, et D). Il en résulte une série de photographies prises de différentes parties ouvertes au public du parc classé de La Bourbansais. Cette méthode, qui a fait la preuve de sa fiabilité, démontre que l’argument des "masques végétaux" est inopérant. Les éoliennes seraient bien, en de nombreuses parties du parc, visibles en même temps que le château. Mais il est évidemment possible, en choisissant l’angle de la prise de vue, de les en faire parfois disparaître... Ce qui démontre l’importance de la pluralité des sources quant aux simulations.

Photographie prise à la demande du propriétaire avec ballon s’élevant à 145 m, figurant l’extrémité des pales de l’éolienne D. Sa position est soulignée par l’huissier (Voir constat du 8 octobre 2015).
Photographie prise à la demande du propriétaire d’un autre point avec ballon s’élevant à 145 m, figurant l’extrémité des pales de l’éolienne D. Sa position est soulignée par l’huissier (Voir constat du 8 octobre 2015).

Pour plus de lisibilité, le ballon-sonde, à la quasi verticale du sol, a été entouré en noir par l’huissier sur les photographies. L’attache du ballon correspond à l’extrémité de chaque pâle, à la verticale du mat. Il s’agit d’une hauteur minimale, ne tenant pas compte de l’inclination du ballon par le vent. A l’examen des photographies, on constate que ce n’est pas une éolienne (comme les simulations du promoteur voudraient le faire croire), mais bien quatre, qui seront visibles depuis le parc de La Bourbansais !

Ce projet est également indéniablement nocif pour les paysages de la Bretagne romantique et notamment, comme le reconnait l’Etude l’impact, pour les vues depuis les tours du château de Combourg (où le jeune Chateaubriand résidait). Et tout ceci, comme on le sait, pour une production d’électricité coûteuse, dérisoire et non pilotable...

Étude d’impact, photographie (Avant)
Étude d’impact, photomontage (Après)
Étude d’impact, photographie (Avant)
Étude d’impact, photomontage (Après)
Étude d’impact réalisée par le promoteur. Visibilité des 4 éoliennes du projet depuis le château de Combourg.

Si ce projet éolien devait aboutir, le lobby soutenant ces machines pourrait se prévaloir d’une belle victoire, et il n’y aurait plus de limite à leur édification à toute proximité d’un monument historique, qui plus est à forte notoriété touristique et générant une importante activité économique rurale...

Une enquête publique a été ouverte du 5 septembre au 8 octobre 2018 en mairie de Pleugueneuc, à laquelle nous ne manquerons pas de contribuer, avec l’appui de Sites & Monuments.

Olivier de Lorgeril, adhérent de Sites & Monuments

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Pour consulter le dossier de l’enquête publique

Pour consulter le constat d’huissier

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