Protégeons le bien UNESCO Causses et Cévennes, paysage culturel de l’agropastoralisme méditerranéen

Les Causses et les Cévennes, paysage culturel de l’agro-pastoralisme méditerranéen. Photo Unesco / Owen Phillips

Le bien Unesco Causses et Cévennes est un vaste territoire englobant une large partie du Parc National des Cévennes, le Mont Lozère, le Mont Aigoual et les Causses majeurs. Sa densité humaine est faible, à l’exception des villes-portes. Le caractère exceptionnel de ces vastes étendues a conduit à leur classement au titre du Patrimoine Mondial (voir ici).

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unesco

Dans ce contexte, 2 types de zones aux contraintes administratives différentes ont été définies : une "zone cœur" et une "zone tampon". On mesure par la carte ci-dessus combien ces zones sont intriquées, particulièrement dans leurs parties aveyronnaise et héraultaise.

Lavogne sur le Causse : faire boire les troupeaux

Ce bien Unesco, au-delà de ses dimensions culturelles, c’est aussi un grand paysage ouvert :

Montredon sur le Causse Noir

C’est également une réserve de biodiversité exceptionnelle repeuplée, depuis 20 ans, par un grand nombre d’espèces : aigle royal, gypaète barbu, vautours. Le loup y est également présent, ce qui crée des tensions avec les éleveurs.

La protection attachée à ce vaste territoire est renforcée par le classement Grand Site de France des Gorges du Tarn et de la Jonte, du Cirque de Navacelles et des Gorges de l’Hérault.

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Les enjeux

L’obtention du label Patrimoine mondial de l’Unesco a été fondée sur le critère de sélection n°5, soit « être un exemple éminent d’établissement humain traditionnel, de l’utilisation traditionnelle du territoire ou de la mer, qui soit représentatif d’une culture (ou de cultures), ou de l’interaction humaine avec l’environnement, spécialement quand celui-ci est devenu vulnérable sous l’impact d’une mutation irréversible » (voir ici).

Le premier enjeu de protection est donc de garantir la préservation des aménités issues du travail de la nature, des hommes et des troupeaux depuis plusieurs millénaires, tout en veillant à la qualité du cadre de vie de ses habitants et au développement de l’attractivité de ce territoire remarquable, ce qui ne signifie en aucun cas que le bien Unesco a vocation à être exploité au plan industriel.

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Or, depuis quelques années, fleurissent sur la partie larzacienne du territoire de nombreux projets :

  en zone cœur, des projets de plusieurs centaines d’hectares de panneaux photovoltaïque au sol (voir ici). Ce qui se traduirait par une importante artificialisation des sols, des problèmes de gestion des eaux et des impacts paysagers majeurs. Une immense usine de méthanation serait également prévue. Ces 2 sujets ne sont pas traités par le plan de gestion du bien UNESCO. Ces installations seraient complétées par un projet éolien très important, alors que le plan de gestion exclut totalement l’éolien en zone cœur...

  en zone tampon, des projets éoliens dramatiques quant à leur impact paysager seraient mis en oeuvre. Ainsi, un premier projet de 6 éoliennes de 120 m de haut a d’abord été retoqué par les services de l’Etat, mais l’opérateur a formé un recours devant la justice administrative qui l’a finalement autorisé... Visibles de très loin, et situées à 600 m de la zone cœur en raison de l’intrication des 2 zones, ces éoliennes sont inappropriées dans un tel paysage et d’ailleurs déjà contestées (voir ici). De nouvelles machines ne sont pas souhaitables.

6 mats du parc éolien de Lapanouse-de-Cernon

Pourtant, d’autres projets ont discrètement fleuri, sous couvert de démarches « participatives », que chacun sait consister en un achat des consciences. Les prospecteurs recherchent intensivement de nouvelles signatures...

Il est enfin question de projets d’usines de fabrication et de stockage d’hydrogène (unités SEVESO) et de méthanation qui auraient davantage leur place dans un site portuaire spécialisé comme celui de Fos-sur-Mer. Il est également question d’une grande station-service sur l’autoroute A 75 délivrant ces gaz dangereux.

Les propositions de Sites & Monuments :

C’est dans ce contexte que Sites & Monuments a rencontré les responsables chargés de la gestion du bien Unesco, puis leur a écrit afin de suggérer une révision du plan de gestion pour la période 2021-2025.

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Trois évolutions ont été proposées, permettant d’écarter tout risque de perte du label UNESCO :

(1) prohiber en zone cœur des installations industrielles inappropriées au regard de leurs risques environnementaux : mégaprojets de photovoltaïque au sol, usines et stockages de méthanation ou d’hydrogène…

(2) aligner les contraintes applicables en zone tampon en matière de projets industriel sur celles de la zone cœur, y compris pour les projets d’aérogénérateurs, compte tenu de la forte intrication des deux zones et du caractère "ouvert" du paysage.

(3) créer, comme cela a été réalisé à titre expérimental sur d’autres biens Unesco, une zone d’influence paysagère adaptée. Cette zone serait éligible à des contraintes comparables à celles du bien UNESCO, compte tenu des co-visibilités observées.

Sites & Monuments a proposé, à cette occasion, de mettre ses délégués locaux au service des groupes de travail chargés de faire évoluer le plan de gestion du site.

L’association propose ainsi aux pouvoirs publics de prévenir ces risques nouveaux, dans la continuité de leurs décisions antérieures. Les Causses n’ont en effet pas vocation à être exploités de manière industrielle. Préserver l’agropastoralisme méditerranéen, ce n’est pas vivre dans le souvenir, c’est promouvoir un mode de vie équilibré, c’est préserver un patrimoine culturel et humain.

Bruno Ladsous, délégué régional pour l’Occitanie

Michel Valette, délégué départemental pour la Lozère