Éolien : l’estuaire de la Gironde en danger

Carrelets Pano. 26.12.16

POUR LA DÉFENSE DES MARAIS ET DE L’ESTUAIRE DE LA GIRONDE (DDME)

Créée en mars 2018 et forte aujourd’hui de 400 adhérents, la DDME s’est constituée pour faire obstacle au projet industriel d’EDF Renouvelables visant à implanter une quarantaine d’éoliennes de 180 mètres de haut sur la rive droite de l’estuaire de la Gironde.

Ce projet s’inscrit sur le territoire de 8 communes situées sur les départements de la Charente-Maritime (4 communes) et de la Gironde (4 communes). Il est en instance de dépôt par le promoteur industriel qui y travaille depuis 2014 ; des démarchages en catimini auprès de propriétaires de parcelles en vue d’obtenir des promesses de bail emphytéotique ont abouti dès 2017 à des signatures, avant toute concertation avec les élus locaux.

GM Carrelet et champs

La population des riverains n’a été informée du projet qu’à partir de mars 2018 par les élus municipaux et par les associations locales.

Un groupe de 9 maires a voté une motion contre le projet : des maires concernés directement et ceux des communes situées à proximité immédiate.

Une procédure de concertation préalable a été demandée par le promoteur industriel. Malgré la nomination de 2 garants en octobre 2018 par la Commission nationale du débat public (CNDP), la concertation dite préalable n’a pas encore commencé.

Zone d’+®tude du projet EDF copy

Des études d’impact commanditées par EDF-R sont en cours de réalisation par des bureaux d’études privés, sans que les élus ni la population locale n’aient accès aux résultats. Aucune communication sur ces études n’a été organisée à ce jour.

De très nombreuses oppositions s’expriment contre ce projet tant au niveau local et départemental que régional, sans pour autant que le promoteur ne renonce à son projet ni que l’Etat n’intervienne pour le stopper.

Si la transition énergétique est un engagement incontournable, ce projet d’implanter une quarantaine d’éoliennes au milieu d’un des plus grands couloirs migratoires d’Europe est évidemment incompatible avec la protection de la biodiversité, de l’environnement et de ce paysage remarquable jusque là préservé.

Marais sous St.-Dizant-du-Gua, 18 Sep 2016 2

La rive droite de l’estuaire de la Gironde figure depuis de nombreuses années au tableau des zones classées Natura 2000. Elle est en particulier classée en Zone de Protection Spéciale (ZPS) depuis 2004. Cette zone est également protégée par la loi Littoral extrêmement stricte en matière de construction.

Voir ici

Nous développerons ci-dessous ses atouts en matière de biodiversité, notamment pour la défense de certaines espèces d’oiseaux menacées, son caractère exceptionnel de zone Natura 2000 (également protégée par la loi littoral), de zone humide d’importance majeure et le fait qu’il s’agisse d’un « paysage remarquable » au titre de la Convention européenne du paysage.

UNE ESCALE MIGRATOIRE MAJEURE POUR DES OISEAUX VULNÉRABLES

gm - Parents cigognes dasns le nid -

Près d’une quinzaine d’espèces menacées au niveau national ou international ou inscrites à l’annexe I de la Directive Oiseaux figurent à l’inventaire de l’avifaune de la zone Natura 2000 de l’estuaire de la Gironde et du marais de la rive nord (FR5412011). Elles présentent des vulnérabilités particulières face aux éoliennes (voir document de 2011 publié par l’Union Européenne).

C’est au titre de la présence de ces espèces listées à l’annexe I de la Directive Oiseaux qu’a été mise en place la ZPS de l’estuaire de la Gironde. Pour celles-ci, la France s’est engagée à la mise en place de mesures de type contractuelles ou réglementaires pour garantir leur conservation.

L’inventaire de l’avifaune présente dans la zone Natura 2000 FR5412011 inclut plusieurs espèces menacées au niveau national, à noter la Bécassine des Marais (Gallinago gallinago), classée « en danger critique » sur la liste rouge national. 

Voir ici

Bord d’eau Vitrezay 4.12.16-2

La France anime également un Plan National d’Action pour la conservation des habitats du Phragmite aquatique (Acrocephalus paludicolamis en place sous l’égide du Ministère de l’Environnement sur la période 2010-2014 (voir ici). Ce plan national, en cours de reconduction, vise à une meilleure connaissance de la migration de l’espèce sur le territoire français ainsi qu’à définir des stratégies de conservation et de gestion des sites exploités par cette dernière. Pourquoi la France porte-t-elle une responsabilité particulière pour la conservation de cette espèce ? Cela tient au fait que l’intégralité de la population mondiale de jeunes oiseaux migre par le littoral français Manche-Atlantique en période estivale. De plus, la France est signataire depuis mai 2010 d’un Mémorandum d’Accord International (voir ici), rédigé au titre de la Convention de Bonn : un accord par lequel notre pays s’est engagé à protéger les espaces utilisés par le Phragmite aquatique dont la population mondiale ne dépasse pas les 16 000 couples. 

Voir ici

MV Marais St Sorlin

Il a été démontré que la rive droite de l’estuaire de la Gironde est une escale migratoire majeure de l’espèce en période estivale avant de traverser l’Espagne, le Maroc et la Mauritanie.

Voir ici

L’espèce transite en particulier par un couloir compris entre Chenac-Saint-Seurin-d’Uzet (au nord) et les îles du Blayais (au sud), exactement dans la zone où EDF-R projette d’implanter des éoliennes industrielles (voir ici).

Bord d’eau en automne 7.11.16-1

Un document de M. Raphaël Musseau, ingénieur de recherche en écologie, met en avant les enjeux des zones humides estuariennes pour différentes espèces d’oiseaux, en particulier le Phragmite aquatique. L’estuaire de la Gironde constitue en effet une escale migratoire majeure du littoral est-atlantique pour de nombreuses espèces d’oiseaux et les risques de disparation de ces escales avec l’implantation d’un parc éolien sont importants (voir ici).

M. Christophe Barbraud, biologiste écologue, directeur de recherche au CNRS, dans une lettre adressée au Président du Conseil départemental de la Charente-Maritime, partage cet avis scientifique non contestable (voir ici). 

Mme Christine Blaize, écologue, coordinatrice du Plan National d’Action sur le Phragmite aquatique pour le Ministère de la Transition écologique, a également formulé des inquiétudes relativement au projet éolien de l’estuaire de la Gironde (voir ici).

Marais sous St.-Dizant-du-Gua, 18 Sep 2016 1

Le Dr. Martin Flade, Président du Comité de sauvegarde du Phragmite Aquatique (AWCT), animé par Bird Life International, a lui aussi livré ses inquiétudes concernant « un projet qui serait en parfaite contradiction avec les engagements pris par la France pour la protection des sites d’escales migratoires du Phragmite aquatique » (voir ici).

K.L. Krijgsveld, experte sur les effets des éoliennes pour les oiseaux migrateurs, a ainsi démontré, au sein du parc éolien d’Owez (mer du nord, Pays-bas), que les éoliennes généraient à l’intérieur du parc une diminution de nombre de migrateurs de 18 à 34% par rapport au nombre d’oiseaux comptés en périphérie du parc, avec des perturbations des trajectoires de vol des oiseaux s’étendant sur des distances de 1 à 4 km de ce dernier.

Selon le Syndicat Mixte pour le Développement Durable de l’Estuaire de la Gironde (SMIDDEST), il s’agit de «  L’un des milieux naturels les plus riches du monde, les marais estuariens ou zones humides, fournissant l’eau et les aliments à d’innombrables espèces de plantes et d’animaux  […] Ces espaces sont particulièrement importants pour les oiseaux puisqu’ils offrent une nourriture abondante et variée et qu’ils représentent des zones de repos, de reproduction, de nidification et d’hivernage. Plus d’une centaine d’espèces migratrices transitent par l’Estuaire de la Gironde, dont les flux se concentrent entre les pointes de la Coubre et de Grave. Les zones humides sont également essentielles pour des espèces en voie de raréfaction telles que la Cistude ou le Vison d’Europe... » (voir ici).

Champ de Tournesols

De nombreuses études, dont celle menée par la Ligue pour la Protection des Oiseaux (LPO) avec le soutien de l’ADEME (Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie) et du ministère de la Transition Ecologique et Solidaire, publiée en juin 2017, déconseillent formellement l’installation d’éoliennes dans ou à proximité des Zones de Protection Spéciale qui réunissent les conditions essentielles au maintien de la biodiversité et plus particulièrement pour l’avifaune migratrice (voir ici).

L’ENJEU MAJEUR DE LA CONSERVATION DES ZONES HUMIDES LITTORALES

Il est important de préciser que la conservation des marais endigués de l’estuaire de la Gironde est aujourd’hui particulièrement importante en raison des menaces pesant sur les zones soumises au balancement des marées par effet de l’élévation du niveau marin. Ces zones constituent le réservoir d’espaces permettant d’envisager la conservation des zones humides littorales grâce aux logiques de restaurations écologiques telles que celles actuellement mises en place par le Conservatoire du Littoral ou le CD17. Implanter des éoliennes au cœur d’espaces restaurés pour maintenir les capacités d’accueil d’oiseaux du territoire est un non-sens absolu.

Si le projet d’EDF-R sur la rive droite de l’estuaire de la Gironde se réalisait, cela constituerait un dangereux précédent. Ce serait la première fois que l’implantation d’un parc éolien industriel serait menée à terme dans une Zone de Protection Spéciale depuis la publication du rapport 2017 de la LPO. Un tel projet s’inscrit en opposition flagrante avec les conclusions sans ambiguïtés de ce rapport. Les services de l’Etat qui auront à statuer sur la faisabilité du projet ne peuvent l’ignorer.

Bord d’eau en automne 7.11.16-2

L’inventaire de la Nouvelle Aquitaine classe d’ailleurs la rive droite de l’estuaire de la Gironde comme « zone humide d’importance majeure » d’intérêt communautaire et d’une « sensibilité environnementale forte » (voir ici). La France s’est d’ailleurs engagée à préserver les zones humides sur son territoire, notamment à travers la signature de la convention internationale de Ramsar.

Le Syndicat Mixte pour le Développement de l’Estuaire de la Gironde (SMIDDEST) considère, pour sa part, que les «  espaces de transition entre la terre et l’eau, les zones humides, contribuent à la richesse et à l’identité de l’Estuaire de la Gironde. Qu’ils soient patrimoniaux telles que les tourbières ou plus ordinaires comme les prairies humides, ces milieux agrémentent nos paysages. […]  la préservation des zones humides devien(t) un enjeu majeur pour son territoire  […] Dans ces communes, les zones humides peuvent être qualifiées d’espaces remarquables (article R. 146 du Code de l’urbanisme). Pour que la commune les reconnaisse comme telles, il faut qu’elles répondent à trois critères : présenter un caractère naturel, être un espace remarquable (ZNIEFF, Natura 2000…), avoir un intérêt écologique particulier […] à ce titre, les aménagements devront avoir des proportions raisonnables, leur localisation ne devant pas dénaturer le caractère des sites, compromettre leur qualité paysagère.  »

Voir ici

UN PAYSAGE REMARQUABLE A PRÉSERVER

RMusseau Interasso 29mars Simulation paysage - RMusseau

La France est signataire de la Convention européenne du paysage, adoptée en 2000 à Florence. La Convention est entrée en vigueur dans notre pays en 2006. Le Conseil de l’Europe, dans son livre intitulé « Dimensions du paysage : Réflexions et propositions pour la mise en œuvre de la Convention européenne du paysage » (2017), dit clairement, à propos de la planification territoriale des zones d’implantation d’éoliennes, qu’il s’agit de définir des « paysages particuliers » que l’on souhaite en exclure.

Ainsi, selon le Conseil de l’Europe, les zones Natura 2000 sont notamment - mais pas seulement - à éviter : « Par ‘paysage particulier’ on entend tous les espaces bénéficiant d’un statut légal spécifique et pour lesquels les aspects paysagers sont prépondérants. Il peut également s’agir de zones ne bénéficiant pas d’un statut légal spécifique, mais qui sont reconnues pour leurs qualités paysagères, par exemple un site emblématique régional ou une zone touristique aux paysages particuliers. […] D’une manière générale, et afin d’éviter des conflits d’intérêts par la suite, il convient d’exclure les paysages bénéficiant d’une protection légale. Les zones Natura 2000 sont un exemple de zones à éviter. […] lors de l’analyse d’un paysage particulier ou protégé, il est nécessaire de considérer toute l’unité paysagère ou la zone de visibilité dans laquelle est inclus le site protégé. […] D’une manière générale, il est important de considérer le paysage comme un ensemble et de ne pas simplement exclure ou sélectionner des zones définies par un périmètre fixé par un acte politique  » (voir ici).

Simulation des futures éoliennes à Fontclair

Or, le Syndicat Mixte pour le Développement Durable de l’Estuaire de la Gironde (SMIDDEST) explique précisément que «  Ses dimensions, son histoire, sa richesse culturelle et écologique, font de l’estuaire de la Gironde un espace unique sur le territoire français. Long de plus de 75 km, couvrant une surface de 635 km2, l’estuaire de la Gironde est le plus vaste d’Europe occidentale. Faiblement urbanisé, assez peu industrialisé au regard des autres estuaires français (Loire, Seine), l’Estuaire présente un environnement naturel varié et des paysages exceptionnels […] Au-delà du patrimoine bâti, sa richesse culturelle au sens large (patrimoine humain, immatériel, traditions...), la beauté si particulière de ses paysages et de ses ambiances font de l’estuaire de la Gironde une source d’inspiration pour les artistes. » Voir ici

C’est aussi ce que confirme l’Inventaire de Poitou-Charente : « L’estuaire de la Gironde est un des plus grands estuaires d’Europe et, écologiquement, un des plus riches. Qu’il s’agisse d’utilisation de la ressource en eau, de tourisme, de pêche et de cultures marines, de paysages et de biodiversité, il revêt une identité environnementale mais aussi patrimoniale particulière. Son histoire et ses paysages témoignent des relations étroites et variées, sur le long terme, entre l’homme et son milieu naturel. » (voir ici). Le Conservatoire des espaces naturels de Poitou-Charentes (CREN) juge, pour sa part, que, « Doté d’une grande richesse écologique et paysagère, ce site d’exception constitue un patrimoine naturel et culturel digne du plus grand intérêt. » (voir ici)

Simulation des futures éoliennes vues de Mortagne

L’Observatoire régional de l’environnement Poitou-Charentes affirme également la qualité paysagère remarquable de l’estuaire, «  La Gironde  [étant]  l’une des franges paysagères régionales des plus puissantes  » (voir ici), tout comme le département de la Gironde qui y voit «   Un estuaire aux paysages uniques  […].Les touristes s’y posant plus nombreux chaque année, attirés par les grandes étendues, les horizons étals, les oiseaux migrateurs, les vignobles et le silence du marais. » (voir ici).

La Direction régionale de l’environnement, de l’aménagement et du logement (DREAL) de Nouvelle-Aquitaine considère enfin que « Le paysage du site des ’Marais et falaises des coteaux de Gironde’ est étroitement lié à l’évolution des activités humaines. Les pratiques agricoles, hydrauliques, touristiques ont façonné le paysage d’aujourd’hui. [...] Ce relief, très caractéristique, est une composante forte et d’une grande valeur patrimoniale au niveau paysager. [...] Les activités traditionnelles associées à  la diversité de faciès et de paysages confèrent au site un caractère remarquable et original.  »

Voir ici

Simulation des futures éoliennes vues de Saint-Thomas-de-Conac

LES OPPOSANTS AU PROJET D’ÉOLIENNES INDUSTRIELLES

En raison ces caractéristiques paysagères et humaines, le projet d’implantation d’éoliennes le long des marais de l’estuaire a recueilli des avis défavorables émanant notamment de toutes les collectivités concernées :

  • du Conseil Régional de la Nouvelle Aquitaine ;
  • du Président du Conseil Départemental de Charente-Maritime ;
  • des maires des communes concernées et plusieurs maires du Médoc ;
  • du Conservatoire de l’Estuaire ;
  • des Députés de la zone concernée ;
  • du Comité Interprofessionnel des Vins de Bordeaux (CIVB) ;
  • du Conseil des Grands Crus Classés en 1855 ;
  • de la Ligue pour la Protection des Oiseaux (LPO).

LE COMBAT DE LA DDME EST UN COMBAT ÉCOLOGIQUE

Le combat de la DDME est un combat écologique. Nous ne pouvons nous résigner à voir la biodiversité de cet estuaire malmenée, son paysage remarquable détruit irrémédiablement, son sous-sol pollué par des milliers de tonnes de béton armé, sans compter les infrastructures nécessaires, chemins, tranchées, câbles, etc.

Nous ne pouvons nous résigner à accepter le bouleversement de cet équilibre naturel, constitué durant des siècles, nourrissant aujourd’hui quantités d’espèces animales.

Défense Des Marais et de l’Estuaire de la Gironde (DDME), association adhérente à Sites & Monuments

 Aidez-nous à poursuivre nos combats