"Monde d’après" : nos propositions patrimoniales à Franck Riester

19 mai 2020 échanges avec Riester

Les 8 mai (voir ici) et 19 mai 2020, Sites & monuments a pu s’entretenir par visioconférence avec le ministre de la Culture. Outre des sujets directement liées à la crise du Covid19, la question du "monde d’après" a pu être abordée.

A l’invitation du ministre, nous lui avons fait parvenir le courrier suivant, que nous reproduisons in extenso conformément à notre politique de transparence. Nous y faisons trois séries de propositions pour le patrimoine que nous vous invitons à découvrir.

Lettre Sites & Monuments à F. Riester 26 05 2020

« Paris, le 26 mai 2020

Objet : dynamiser les territoires par l’ouverture au public de monuments attractifs 

Monsieur le Ministre,

Dans une lettre adressée le 22 avril 2020 aux acteurs du patrimoine, vous annonciez, qu’après la crise, nous aurions « besoin davantage qu’auparavant de nous inscrire dans le temps long, de nous inscrire dans l’histoire de nos territoires ». Nous souscrivons pleinement à cette affirmation et entendons répondre à votre demande de contributions du 19 mai dernier.

Il s’agit de sortir d’un modèle de concentration des flux touristiques en remédiant aux inconvénients tant sanitaires, que patrimoniaux et économiques du tourisme de masse. Ce rééquilibrage en la faveur du patrimoine contextuel est réclamé depuis de longues années par notre association et nécessite de réfléchir tant à l’aspect immobilier que mobilier de cette question. Une place importante est faite à ces problématiques dans nos 12 propositions pour le patrimoine du 21 mai 2017 (voir ici), réitérées lors du Grand Débat le 17 mars 2019 (voir ici) et complétées, dès le 29 septembre 2017, par des propositions précises de modifications législatives (voir ici). Aucune n’a malheureusement été à ce jour mise en œuvre.

Force est de constater que la situation était pourtant très préoccupante bien avant la crise engendrée par le covid19 : nos demeures historiques les plus prestigieuses ne trouvent plus preneur, sont inexorablement vidées de leur contenu (châteaux d’Haroué, de Breteuil ou de Dampierre), sont divisées en appartements avec avantage fiscal (château de Pontchartrain) ou menacées dans leur environnement par l’industrie éolienne. Nos églises, « premier musée de France », sont souvent fermées, disposent de collections rarement restaurées et mises en valeur...

Pourtant, s’appuyer sur nos 45 000 bâtiments monuments historiques et 300 000 monuments historiques meubles permettrait de créer autant de musées enracinés dans les territoires, traits d’union entre les patrimoines immobiliers, mobiliers mais aussi immatériels, comme culturels et naturels (jardins, grands paysages...). Ils seraient source de fierté et d’attractivité locale.

Nous pensons indispensable dans ce but : 1. de faire connaître nos monuments par une géolocalisation adossée aux bases de données du ministère 2. de pouvoir remédier aux démembrements immobiliers ou mobiliers 3. de concevoir nos monuments comme des ensembles patrimoniaux complexes, transmissibles d’un seul tenant et dotés d’un statut fiscal incitant à leur ouverture au public.

  1. Un portail Internet public, associé à une application mobile, doit enfin permettre de géolocaliser les ensembles patrimoniaux - protégés, labellisés ou inventoriés - et donner des informations scientifiques (à la main des DRAC) et pratiques (à la main des propriétaires) régulièrement actualisées. A partir des fiches dédiées à chaque monument, des liens seraient créés vers les bases de données publiques Mérimée, Mémoire et Palissy (pour le patrimoine mobilier, avec l’accord des propriétaires). Ce portail pourrait également constituer une interface entre les propriétaires, les bénévoles (aide aux travaux avec encadrement associatif ou à l’ouverture au public) et les mécènes (financement participatif).
  2. Les capacités d’intervention du ministère doivent être renforcées en amont et en aval afin de sauver ces patrimoines. En amont, l’agrément du ministère de la Culture doit être rétabli en cas de vente à la découpe défiscalisée de monuments historiques, une servitude d’indivisibilité pouvant en outre être créée à la demande d’un propriétaire. Concernant le patrimoine mobilier, des représentants de l’administration des monuments historiques doivent participer à la délivrance des certificats d’exportation afin de pouvoir détecter des situations problématiques et de procéder à des protections contextuelles (voir ici). En aval, une procédure d’instance de « protection » (et non plus de classement) d’un an devrait être créée pour les immeubles et étendue aux ensembles historiques mobiliers. La possibilité d’un portage patrimonial immobilier et mobilier doit être maintenue dans le cadre de la loi fondation du patrimoine (elle menace d’en être supprimée) ou transférée au Centre des Monuments Nationaux.
  3. Un régime fiscal incitant à l’attachement à perpétuelle demeure du patrimoine mobilier et à l’ouverture au public des monuments historiques privés doit être créé. Une dation, une donation ou un mécénat de classement mobilier - pendant des dispositions propres aux musées - doivent ainsi être mis en place. Une exonération au moins temporaire de l’impôt sur la fortune immobilière et de la taxe foncière, pour les seuls monuments ouverts au public, compléterait ce dispositif.

Le détail de ces suggestions d’actions peut être trouvé ici : http://www.sppef.fr/2017/09/29/comment-dynamiser-les-territoires-par-louverture-au-public-de-monuments-attractifs/

Restant à votre disposition, je vous prie d’agréer, Monsieur le Ministre, l’expression de ma haute considération.                                 
Julien LACAZE
Président de la SPPEF - Sites & Monuments » 

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