Forêt de Saint-Germain : après la saignée du Train-Tram, celle de la "lisière étagée", malgré son statut de "forêt de protection"...

Déboisements supplémentaire de 30 m de large à droite de la saignée du train-tram afin de constituer une "lisière étagée" pour des raisons "écologiques". État au 21 novembre 2020, photo J.-B. Galland / Sites & Monuments.

La forêt de Saint-Germain-en-Laye a été classée « forêt de protection » en 2019 (voir ici). Pourtant, dans le cadre de la réalisation du Train-Tram (voir ici) a été pris, le 20 août 2020, un arrêté préfectoral (voir ci-dessous) de défrichement de 30 m au-delà des futures lignes du train afin de créer une « lisière étagée » ! L’arrêté précise, dans son unique considérant, que « Le plan de gestion de la lisière en forêt de protection présenté par l’ONF répond aux règles applicables à chacun des bois et forêt classés comme forêt de protection ». Ces dispositions, ne figurant pas dans les dossiers d’enquête publique et de demande d’autorisation de défrichement pour le projet T13, auront pour conséquence un triplement des surfaces concernées par des défrichements. On comprends ici 

Plan annexé à l’arrêté du préfet des Yvelines du 25 août 2020 (voir ci-dessous). En jaune : défrichement nécessaire au passage du train tram. Entouré en rouge : projet de "lisière étagée"

Rencontrée le 21 novembre 2020, en présence du Maire de Saint-Germain-en-Laye, d’Ile de France Mobilité et de plusieurs associations locales, l’ONF prévoit, en déclinaison de cet arrêté, l’abattage de plus de 1000 arbres sur les 4000 existants, dont près de 200 âgés de plus de 20 ans. Unique argument invoqué : l’« apport à la diversité » d’une lisière étagée.

Pour Sites & Monuments, cette option est inacceptable car la gestion des boisements ne tient aucunement compte de la dimension historique de la forêt de Saint-Germain-en-Laye et plus précisément de la perspective voulue par André Le Nôtre qui s’appuie sur deux axes partant du château, formant un V : la fameuse terrasse du château et l’avenue des Loges, concernée par les nouveaux abattages. 

Saint-Germain-en-Laye, l’avenue de Loges (à gauche) en 2014, avant la saignée du train-tram. Photo Google Earth.
Saint-Germain-en-Laye, avenue de Loges (à gauche) en 2019, après la saignée du train-tram (zone claire) avec matérialisation de la bande de défrichement supplémentaire de 30 m (ligne rouge). Photo Google Earth.

Cette option est d’autant moins acceptable que, si quelques déboisements ont déjà été réalisés, une alternative existe : la surveillance phytosanitaire des arbres en proximité du train-tram. Elle ne modifierait pas l’aspect de la forêt au-delà de l’emprise actuelle qui est déjà non respectueuse de la perspective historique et, en particulier, de la symétrie chère à Le Nôtre. Cette surveillance annuelle des arbres les plus fragiles autoriserait l’ONF à les couper préventivement au cas par cas. Elle aurait un coût moins élevé sur 10 ans que la mise en œuvre de la lisière étagée et le suivi de la lisière sur cette même durée.

Nous demandons donc à l’État, en lien avec la commune de Saint Germain-en-Laye et la Région Ile-de-France, de revenir sur l’arrêté de création d’une lisière étagée et de privilégier une surveillance phytosanitaire des arbres situés à proximité du train-tram

Au-delà de cette décision d’urgence, la situation actuelle confirme le caractère inadéquat et insuffisant du classement en "forêt de protection", qui ignore l’aspect paysager et patrimonial des boisements. On comprend d’autant mieux l’importance de la délimitation en cours du domaine national de Saint-Germain-en-Laye (voir ici) visant précisément à prendre en compte ces problématiques. Sa délimitation doit impérativement correspondre à l’emprise de la forêt, qui est sa raison d’être et partie intégrante de la composition de Le Nôtre, aujourd’hui malheureusement considérée comme une réserve foncière à tout faire (ce qui n’est pas sans rappeler la situation du domaine de Saint-Cloud, voir ici). En effet, les ministères de tutelle de l’ONF (ministère de l’Agriculture et de l’Alimentation et ministère de la Transition écologique et solidaire) montrent une nouvelle fois une vision étroite de leur compétence (sylviculture et biodiversité) sans vision globale du site. Quant au ministère de la Culture, qui devrait prendre en compte le caractère essentiel du domaine de Saint-Germain-en-Laye dans l’histoire de France, il n’a pas encore répondu aux sollicitations des associations.

Saignée du train-tram avant déboisements d’une bande supplémentaire de 30 m sur la droite. État au 21 novembre 2020, photo J.-B. Galland / Sites & Monuments.

Espérons que, comme, au début des années 90 où l’autoroute A14 devait éventrer le parc et traverser la forêt de Saint-Germain-en-Laye, une décision politique viendra, in extremis, la protéger. Mais pouvons-nous compter sur nos élus ?

Jean-Baptiste Galland, correspondant de Sites & Monuments à Saint-Germain-en-Laye

Consulter l’arrêté du préfet des Yvelines du 25 août 2020

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