GROUPE DE TRAVAIL PUBLICITÉ (2016)

La France défigurée. Tel pourrait être le titre d’un article rappelant une fois de plus l’agression publicitaire que nous vivons quotidiennement. L’acceptation de cette situation serait la négation même du fondement de ce qui a conduit à la création de la SPPEF.

Rappelons ce qui fait notre force, c’est à dire notre objet social :

"I - But et composition de l’association
Article 1 - L’Association dite "Société pour la Protection des Paysages et de l’Esthétique de la France", fondée en 1901, a pour but... particulier
1 - de défendre les paysages contre les enlaidissements de toute réclame commerciale ou autre, de tout affichage imposé avec un abus manifeste.
2 - d’empêcher que les sites naturels ou urbains qui font la beauté du visage de la France, ne soient dégradés ou détruits par des spéculations"

Il convient de faire le point sur cette publicité envahissante et agressive, en rappelant comment nous en sommes arrivés là et les actions que SPPEF peut engager.

UN PEU D’HISTOIRE

La publicité consiste à utiliser des techniques de persuasion à des fins commerciales. Elle a pour but de susciter, au moyen de messages transmis aux consommateurs, le désir d’acquérir un produit.

Par essence liée à l’évolution du commerce et de la concurrence, la publicité a pris une place de choix dans notre société. Tous les secteurs d’activité, les plus grands annonceurs nationaux comme les annonceurs locaux, font appel à la publicité extérieure.

L’affichage est une liberté reconnue par les textes depuis longtemps.

La déclaration des droits de l’homme et du citoyen du 26 août 1789 l’affirmait déjà en son article 4 et le précisait ainsi : "la libre communication des pensées et des opinions est un des droits les plus précieux de l’homme. Tout citoyen peut donc parler, écrire, imprimer librement, sauf à répondre de l’abus de cette liberté dans les cas déterminés par la loi." 

La liberté d’affichage, qui à l’époque concernait essentiellement l’affichage politique, est réaffirmée par la grande loi du 29 juillet 1881, au même titre que la liberté de la presse.

La protection, limitée initialement aux seuls sites et monuments dont l’intérêt particulier était reconnu, a été renforcée par la loi du 12 avril 1943 qui élargit cette protection à l’ensemble du paysage.

La loi de 1943, peu appliquée, s’est traduite par la multiplication anarchique de panneaux et par la dégradation du cadre de vie et l’environnement.

Face à cette situation, une réforme s’imposait.

La réflexion débutée en 1971 a abouti huit ans plus tard au vote de la loi du 29 décembre 1979 relative à la publicité, aux enseignes et aux préenseignes.

Cette loi recherche un équilibre entre liberté d’expression et d’affichage, qu’elle réaffirme dans son article premier, et la nécessaire protection du cadre de vie. Il s’agit d’une protection nécessaire et large, c’est-à-dire ne se limitant pas aux paysages ayant un intérêt particulier.

Voir débat Assemblée Nationale 1979 et rapport du Sénat y afférent

Cette loi, complétée par deux décrets d’application et renforcée par la loi du 02 février 1995, dite loi BARNIER, impose des règles nationales, adaptables pour certaines au niveau local par le Maire.

Les procédures prévues pour faire appliquer la loi se sont révélées inefficaces et systématiquement contestées par l’Union de la Publicité Extérieure (UPE) ou par des afficheurs indépendants.

Alors que de 1969 à 1980 on pouvait enregistrer, sur ce sujet, 23 décisions de justices, la promulgation de la loi en 1979 a engendré un principe de contestation systématique. De 1981 à 2003, ce n’est pas moins 1000 décisions de justice qui ont été rendues, dont 125 par le Conseil d’Etat.

Le rapport JOUANNO fait état, en 2009, de 1500 jugements et précise :
« On peut noter une évolution de la nature des recours et des montants des demandes : la majorité des recours a trait aux erreurs de procédure lors de la constitution des groupes de travail chargés d’élaborer la réglementation locale, les recours indemnitaires par les afficheurs suite à des annulations d’arrêtés de mise en demeure deviennent plus courants et mettent en jeu de fortes sommes, et enfin on dénote une augmentation marquée des contentieux initiés par les associations de protection de l’environnement, entraînant des condamnations de l’Etat pour son inaction ou son retard à agir, donnant parfois lieu à des dommages et intérêts. »

Ces pratiques contestataires ont été lourdes de conséquence.

La première conséquence est d’avoir créé une importante jurisprudence en faveur des afficheurs. A coté de la loi existe donc des notions jurisprudentielles qui contredisent certains fondements comme la notion d’agglomération ou la marge de reculement.

La deuxième conséquence a été d’introduire dans l’esprit de l’administration une grande incertitude sur l’issue d’une procédure, au point de freiner les initiatives destinées à faire appliquer la loi.

La troisième conséquence a été de laisser s’implanter un parc considérable de dispositifs publicitaires non conformes. Sur 700.000 panneaux publicitaires estimés par le ministère, un tiers serait non conforme.

La quatrième conséquence a été d’accélérer la création des règlements locaux de publicité. En 2007, 1335 règlements locaux (dont 62 intercommunaux) étaient en place concernant 27,7 millions d’habitants.
La procédure de RLP transfère aux collectivités locales la responsabilité d’édicter des règles différentes du règlement national de publicité (RNP). Ces règles dans l’esprit de la loi de 1979 peuvent être plus contraignantes ou au contraire plus souples que celles inscrites dans le RNP.
Certaines collectivités ont utilisé ces possibilités pour protéger efficacement leur environnement. Mais plus généralement, les RLP, s’ils protégeaient les centres ville et les centres historiques, ont permis, par le biais des « zones de publicités élargies », d’introduire en agglomération des publicités de très grande dimension. Il suffisait de déclarer ZPE un pignon d’immeuble pour y permettre l’implantation de publicité de plusieurs dizaines voir centaines de mètres carrés.
De même, par le biais des « zones de publicités autorisées », les collectivités ont permis l’implantation massive de dispositifs publicitaires hors agglomération dans les zones commerciales.

A ces dérives parfaitement connues, s’ajoutent les dérogations accordées par la loi de 1979, qui autorisaient les « préenseignes dérogatoires ».

Les dispositifs dérogatoires concernaient certaines activités économiques, hôtels, restaurants, stations services et permettaient de contourner le principe de base qui interdisait toute publicité hors agglomération et dans les communes de moins de 10.000 habitants. Les préenseignes dérogatoires pouvaient être implantées sans déclaration ni autorisation, d’aucune sorte.

La grande distribution (Auchan, Carrefour, Intermarché, Leclerc, SuperU, etc.) qui disposaient de services des distribution d’essence ont utilisés le concept de préenseignes dérogatoires pour inonder les bords de route de panneaux de 1,5 m2 annonçant la proximité de ces grandes surfaces, sans aucun respect des règles de contenu, de distance ou de nombre qui s’y appliquaient.

Les grandes surfaces spécialisées (bricolage et autres), non concernées par cette disposition, constatant qu’aucun frein n’était mis à ce genre de dispositif, ont ajouté leur propre publicité à cette forêt de panneaux, augmentant la pollution visuelle en entrée de ville et hors agglomération.

Enfin, le lobbying des afficheurs tant auprès des instances politiques que des élus locaux ont mis en exergue le caractère économique de l’affichage publicitaire au détriment de son caractère social et environnemental, contribuant ainsi au développement de cette pollution.
Les afficheurs ont développé à l’extrême le concept de publicité sur mobilier urbain. La possibilité est ainsi offerte au maire (ou à l’autorité administrative compétente sur le territoire) d’implanter des dispositifs publicitaires de manière dite accessoire sur des mobiliers urbains censés recevoir des informations générales.

Malheureusement ce concept de publicité sur mobilier urbain a été détourné de façon systématique.

En premier lieu, il faut constater que, si l’élaboration du RLP conduit à supprimer dans les centres historiques les dispositifs publicitaires sur fond privé, il autorise, en même temps et quelques fois sans limite de surface ou de densité, la réintroduction de la publicité dans ces lieux protégés.

De plus le concept de caractère accessoire de la publicité n’a jamais été respecté. La publicité est toujours positionnée sur la face la plus visible du mobilier urbain. Il suffit d’examiner l’information à caractère général, quand elle n’est pas tout simplement absente, pour se rendre compte que cette information ne fait que servir d’alibi à l’introduction de la publicité.

Enfin, l’absence de règle de densité et de surface dans le RLP permet au maire, dans le cadre d’une convention passée entre la ville et l’afficheur retenu, de laisser s’implanter tout un ensemble de dispositifs superfétatoire.

Ainsi l’équilibre entre intérêts économiques et l’intérêt esthétique général, fondement de la loi, est rompu.

LA LOI ENL ET SES DÉCRETS D’APPLICATION

Compte tenu de ces dérives, de l’extension des territoires habités et de l’évolution des techniques modernes, avec notamment l’affichage numérique, la réforme de la réglementation de l’affichage était nécessaire.

Le rapport JOUANNO motivait cette réforme dans les termes suivants :
«  Le cadre de vie et le paysage, que cette loi est censée protéger, sont à l’évidence fortement dégradés par la publicité extérieure et les enseignes.
Cet impact est sensible principalement dans les zones commerciales des périphéries urbaines et des entrées de ville, où la prolifération anarchique de panneaux est régulièrement dénoncée. Hors agglomération, l’interdiction générale de publicité édictée par la loi est largement malmenée par la multiplication des préenseignes dérogatoires, qui devraient pourtant se borner à signaler en nombre restreint des activités utiles aux voyageurs.

Dans le reste des agglomérations, si la loi protège avec une certaine efficacité les espaces les plus remarquables des centres anciens, l’espace public urbain souffre d’une surabondance de dispositifs, sur murs pignons, façades, bâches, sur le mobilier urbain ou les concessions d’affichage sur le domaine public. La réglementation locale permet d’être plus restrictif que le règlement national, mais elle peut autoriser aussi une plus grande permissivité ; de ce fait, elle peut parfois manquer de cohérence.  »

Tout était dit. La loi ENL a donc tenté de recadrer le sujet et constitue une avancée.

Elle propose, en apparence, de simplifier les procédures d’élaboration des RLP, de supprimer les zones de publicité élargies et les zones de publicité autorisées, de clarifier les responsabilités, d’introduire une règle de densité, de réglementer pour des motifs d’économie d’énergie l’éclairage des dispositifs publicitaires, de supprimer les préenseignes dérogatoires, de soumettre au cas par cas l’autorisation de poser des bâches publicitaires.

Il ne s’agit là que d’une apparence trompeuse.

La suppression des préenseignes dérogatoires a conduit à la mise en place d’un système de signalisation locale, décidée par les maires ou les conseils départementaux. Ces dispositifs sont soumis aux dispositions du code de la route et échappe au contrôle des associations d’environnement. Les règles qui encadrent les SILs sont systématiquement bafouées

La suppression des ZPA, Zone de Publicité Autorisée, hors agglomération a disparu, cependant que la loi et les décrets introduisaient des notions équivalentes sous le terme « Périmètre ».

Les ZPE, Zone de Publicité Etendue » qui permettait en agglomération de déroger aux prescriptions régissant la publicité, notamment en ce qui concerne la taille des publicité a disparu au profit de la possibilité d’installer des gigantesques publicité sur bâche, sur simple décision du maire !

Des contraintes ont été créées concernant l’obligation d’extinction des publicités et enseignes lumineuses, dont l’objet nous semble n’être autre que faire passer cette réforme en trompe l’œil.

Des modifications majeures concernant les enseignes ont été apportées et seront applicables en 2018 et 2020 !

Sur le terrain, rien n’a changé sauf des publicités de 50 m2 posées sans autorisation sur l’abbatiales du Mont-Saint-Michel et sur le beffroi d’Arras, tous deux monuments historiques hyper protégés.

SPPEF ET SES ACTIONS

Le Conseil d’Administration de la SPPEF décidé en juin 2015 de créer un groupe de travail « Publicité », laissant à son responsable le soin d’organiser et de développer ce groupe de travail.

Il est proposé d’agir à quatre niveaux différents.

1. Sur le terrain

C’est la « chasse » aux dispositifs publicitaires en infraction. Cela exige une bonne connaissance de la réglementation, qui s’acquiert au fur et à mesure.

La méthode consiste, après avoir fait des relevés d’infraction à demander à l’autorité administrative (AA - Préfet ou maire selon le cas) de « prendre les arrêtés de mise en demeure d’enlèvement ou de mise en conformité et de communiquer ces arrêtés à l’association ». L’Autorité Administrative y est tenue.

Le refus au terme du délai de 2 mois ouvre la porte à un contentieux devant le TA, qui aboutit à l’enlèvement et à des indemnités en faveur de la SPPEF. Les actions et les décisions obtenues permettent de lancer, de plus, une communication positive sur le sujet.

2. Participation au débat public local ou national

- Débat local

Le Code de l’Environnement définit les conditions dans lesquelles peuvent être implantées les publicités et enseignes.

A l’image du code de l’urbanisme, qui autorise le maire ou le président d’une CC (Communauté de Communes) à faire un PLU ou PLUi, le maire d’une commune ou le président d’une CC peut faire un règlement local de publicité (RLP ou RLPi).

La SPPEF est souvent consultée sur ce genre de dossier. IL convient d’intervenir désormais de façon systématique et produire nos observations afin de limiter les dégâts.

La réintroduction de la publicité dans les Parcs Naturels Régionaux et dans les zones protégées doit être très limitée. C’est le RLP qui définit ce que sera la paysage d’une ville pendant les 20 ans à venir

En cas d’illégalités manifestes, la SPPEF pourrait être conduite à demander l’annulation du RLP.

Il existait en 2009 (Rapport JOUANNO), 1335 RLP qui doivent être révisés impérativement avant 2020 !

- Débat national

Un débat public est actuellement ouvert sur le projet de décret Macron, à lire et commenter. Voir site SPPEF.org

Le projet de décret « Macron - lobby des afficheurs » a été soumis à consultation publique et retiré. Nous craignons qu’il ne revienne discrètement. C’est pourquoi la SPPEF doit restée vigilante et agir !

Ces actions sont menées directement par le bureau en liaison avec les grandes associations nationales.

3. Lobbying

Le groupe de travail doit rechercher les dispositions de la loi et des décrets qui sont susceptibles d’être modifiées.

Certains dispositifs sont peu encadrés, comme la publicité sur mobilier urbain, la publicité numérique.

La réglementation comporte de très nombreuses dérogations ou critères qui demandent à être homogénéisés et simplifiés

Il est nécessaire d’ouvrir le débat.

4. Communication

Sur le domaine de l’affichage publicitaire, notre communication est absente, faute de moyens et de coordination.

Dans un premier temps, le groupe met en ligne sur le site de la SPPEF, la réglementation, à la fois sous forme illustrée et à la fois sous forme textuelle.

Les différentes actions de terrain feront également l’objet de communication

En conclusion, nous invitons les adhérents intéressés par ce sujet à rejoindre le groupe de travail.

sppef_pub@orange.fr
06 37 37 48 40

Sources : Rapport JOUANNO 2009 ; Elisabeth DELSERIES thèse 1997, sur « Esthétique et publicité extérieure »