Le pari hasardeux de l’hydrolien dans le golfe du Morbihan

Courant de la Jument vu de Gavrinis

Le Golfe du Morbihan figure aux côtés de la baie d’Ha Long au Club des plus belles baies du monde. Sur 13 000 ha, cette petite mer intérieure (mor bihan en breton) est parsemée d’une trentaine d’îles et îlots. Au cœur du Parc naturel régional, le golfe est un site inscrit, sous protection Natura 2000, candidat au patrimoine mondial de l’Unesco pour ses mégalithes.

C’est dans ce lieu sensible de haute valeur écologique et patrimoniale que Clim’actions Bretagne Sud et la commune d’Arzon mènent l’offensive « Hydroliennes et énergies renouvelables dans le golfe du Morbihan » jusqu’au 5 juin 2017, en partenariat avec Morbihan Energies, l’Université Bretagne Sud, le Parc naturel régional et la région Bretagne.

Le courant de la Jument, pressenti pour l’installation, se situe dans les abords (500 m) de Monuments Historiques exceptionnels : le cairn de Gavrinis et des Cromlechs d’Er Lannic, en partie immergés.

Pour mesurer l’atteinte au site, il faut se représenter les équipements, les aménagements et les espaces nécessaires aux multiples opérations d’installation, de relevage et de maintenance des machines.

Référons-nous aux péripéties des hydroliennes de Paimpol. Le prototype immergé en 2011 a été ramené à quai à plusieurs reprises en raison de nombreuses avaries. Deux machines de 900 tonnes ont été immergées en janvier et mai 2016. En décembre 2016, elles ont été victimes d’avaries. En avril 2017, l’une des deux hydroliennes a été remontée à la surface pour plusieurs mois de travaux à Cherbourg. La deuxième devait suivre. Et elles n’ont toujours pas produit d’électricité !

Entrée du golfe vue de Gavrinis

A Ouessant, l’hydrolienne Sabella, de 10 mètres de diamètre, mesure « 17 mètres de haut, soit la taille d’un immeuble de 5 étages et 450 tonnes, l’équivalent d’une dizaine de poids lourds chargés » lit-on sur le site de Sabella. Immergée en juin 2015, elle a dû être relevée en juillet 2016. C’est un navire spécialisé pour la pose d’hydroliennes d’une société anglaise qui y a procédé. La dépose a eu lieu dans le port de Brest. Mais l’immersion, prévue à la fin du mois de novembre, a été différée car le navire était employé en Ecosse. L’opération reportée au début du printemps 2017 n’a toujours pas eu lieu. La machine n’a produit à ce jour que 70 MWh de juin 2015 à juillet 2016.

Les hydroliennes immergées dans le golfe du Morbihan auraient un diamètre de 8 mètres. On peut s’attendre à un poids considérable en raison de l’importance des contraintes exercées par les courants : de 150 à 200 tonnes au moins. Les machines, ou plutôt leurs supports, seraient fortement lestées afin de ne pas cabaner. Pour les remonter, il faudrait avoir recours à des navires spécialisés ou à une barge dédiée. Enfin, se pose la question du port où elles devraient être déposées. En existe-t-il qui puisse répondre à ce besoin et, si oui, au prix de quels aménagements ?

Enfin, le courant de la Jument est un chenal de navigation très intense, avec des activités de pêche et de plongée qui imposeront de nombreux balisages pour la sécurité des usagers.

Ces manœuvres et installations causeraient des enlaidissements et dégradations inévitables. Sites et Monuments proteste contre la dénaturation d’un site patrimonial aussi exceptionnel.

Anne-Marie Robic, déléguée de Sites & Monuments pour le Morbihan

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