Contribution de Sites & Monuments à l’enquête publique de mars 2024 sur le nouveau SDRIF (Ouest Versaillais)

Révision du SDRIF - Contribution à l’enquête publique de Sites & Monuments pour une renaissance de l’Ouest versaillais, entre patrimoine et écologie

L’association Sites & Monuments - SPPEF, reconnue d’utilité publique et agréée pour la protection de l’environnement au niveau national, membre notamment de la commission supérieure des sites, perspectives et paysages (CSSPP), a participé à la concertation sur la révision du SDRIF sous forme électronique le 31 mai 2023 et par LRAR le 1er juin 2023.

Carte "Maîtriser le développement urbain".
Légende de la carte "Maîtriser le développement urbain".

Elle se félicite des orientations retenues dans la perspective d’une valorisation écologique et patrimoniale de l’Ouest versaillais, notions absentes du SDRIF actuellement en vigueur.

Si les principes retenus sont bons, il est utile de remédier à certaines imperfections du projet arrêté par le Conseil régional le 12 juillet 2023, notamment dans l’Ouest versaillais :

Carte "Placer la nature au cœur du développement régional" complétée par Sites & Monuments (en rouge).
  • Intégrer l’ensemble du site classé de la plaine de Versailles à « l’armature verte »

La plaine Est de Versailles fait l’objet d’un classement au titre des Sites par décret du 7 juillet 2000 (JORF n°164 du 18 juillet 2000). Il s’agit de la plus haute protection de la nature est des paysages en France (mécanisme d’autorisation ministérielle). Les zonages du SDRIF doivent, par conséquent, être mis en cohérence avec cette servitude d’utilité publique (comme avec celle de classement au titre des monuments historiques).

Plan annexé au décret du 7 juillet 2000 classant la plaine de Versailles au titre des Sites.

Si la majeure partie du site classé est bien intégrée à « l’armature verte » du SDRIF destinée à être « sanctuarisée » (zone verte), la partie enherbée de l’aérodrome de Saint-Cyr - rattaché pour cette raison au site classé de la plaine de Versailles en 2000 - ne l’est pas.

Or, il s’agit d’une zone stratégique, à l’interface du domaine classé au titre des monuments historiques de Versailles (dépendant de l’Etablissement public de Versailles) et de la plaine classée au titre des sites de Versailles. Cette zone est sujette à des pressions urbaines fortes s’exerçant du Sud vers le Nord et menaçant de couper l’actuel domaine de Versailles de sa plaine agricole (son ancien Grand Parc, ou Parc de chasse, clos de murs sous l’Ancien Régime).

Cette articulation défaillante a été soulignée par un avis de la Commission Supérieure des Sites, Perspectives et Paysages du 20 janvier 2022 (CSSPP) demandant une meilleure couverture de l’Ouest versaillais, notamment des terrains de Pion (dans leur partie nord) et de Santos-Dumont, tous deux situés dans la commune de Saint-Cyr. Ceci d’autant que création sur la ligne de chemin de fer de la Grande Ceinture d’un arrêt desservant notamment le parc de Versailles est susceptible d’attiser l’urbanisation de cette zone fragile.

Il est donc particulièrement important - et nécessaire du point de vue de la cohérence normative - d’intégrer l’aérodrome enherbé de Saint-Cyr à « l’armature verte sanctuarisée » du SDRIF, mais également d’y situer un « front vert d’intérêt régional » (voir point suivant).

Classement UNESCO et zone tampon du palais et parc de Versailles.

Toujours par cohérence avec la délimitation du site classé, la partie ouest de la plaine de Versailles, au-delà de Saint-Nom-la-Bretèche, pourrait également intégrer « l’armature verte » du SDRIF. Ce secteur, tout comme l’aérodrome de Saint-Cyr, figure d’ailleurs dans la zone tampon du classement au Patrimoine Mondial du « Palais et parc de Versailles ».

  • Prolonger le « front vert d’intérêt régional » de la plaine de Versailles jusqu’à Versailles

La fixation d’un « front vert d’intérêt régional » « intangible » et qu’« aucune urbanisation nouvelle ne peut franchir » (Orientations réglementaire, p. 14) est essentielle.

Il convient, en effet, de juguler les pressions urbaines s’exerçant en direction du Nord depuis Saint-Quentin-en-Yvelines, Fontenay-le-Fleury, Saint-Cyr et bientôt Satory afin d’éviter que la plaine de Versailles ne soit coupée par une urbanisation continue joignant ses deux rives urbaines (au Nord, Saint-Nom-la-Bretèche, Noisy et Bailly).

Le « front vert d’intérêt régional » bordant la limite Sud de La « Plaine de Versailles Ouest » - où s’observe un rétrécissement inquiétant au niveau du golf de Saint-Nom, qu’il conviendrait de juguler en faisant respecter la stricte délimitation du site classé - doit ainsi être prolongé. Il s’agit de protéger la « Plaine de Versailles Est » des poussées urbaines de Fontenay-le-Fleury et de Saint-Cyr, notamment suscitées par la nouvelle gare « des portes de Saint-Cyr » et son « potentiel d’urbanisation dans un rayon de 2 km », ainsi que le développement urbain du plateau de Satory vers le Nord, zone particulièrement sensible visuellement depuis le château de Versailles.

Enceinte originale du Domaine de Versailles située au sud-ouest des terrains de Pion. Ce mur, édifié en 1685, est dépourvu de protection. Il contient l’urbanisation de la ville de Saint-Cyr (à gauche) et mériterait d’être appuyé dans sa fonction par un "front vert d’intérêt régional".

Il est également nécessaire de contenir les poussées urbaines s’exerçant de l’Ouest vers l’Est au niveau de la limite des communes de Saint-Cyr et de Versailles, correspondant à la limite historique entre les anciens Grand et Petit Parcs, toujours matérialisée par un mur de séparation édifié en 1685 (aujourd’hui non protégé). Un « front vert d’intérêt régional » confortant la fonction symbolique de cette enceinte, protégeant une zone pour l’essentiel classée au titre des monuments historiques (ancien Petit Parc du château enserrant le Grand Canal), aurait ainsi tout son sens.

Le « front vert d’intérêt régional » serait ainsi à peu près continu de Versailles jusqu’à sa plaine Ouest, traçant une limite cohérente et lisible permettant à la nature de se déployer depuis les jardins du château jusqu’à la Mauldre, en suivant le ru de Gally, fil conducteur prenant sa source à la croisée des bras du Grand Canal.

  • Création de trois « liaisons vertes à renforcer » à partir de l’Etoile Royale de Versailles

L’assise de l’avenue de Villepreux, conçue par André Le Nôtre, inscrite sur la liste du Patrimoine Mondial avec le château de Versailles et son parc en 1979 et aujourd’hui incluse dans le domaine national de Versailles au sens de l’article L. 621-34 du code du patrimoine, a fait l’objet d’un début de replantation par la communauté d’agglomération de Versailles Grand Parc, qui atteint aujourd’hui l’autoroute A12. Les ormes nécessaires ont notamment été achetés par l’entremise de notre association grâce à un mécénat de la fondation La Marck.

Replantation de la contre-allée Nord de l’avenue de Villepreux jusqu’à l’autoroute A12 - Mécénat de la fondation La Marck par l’intermédiaire de Sites & Monuments. Photo Versailles Grand Parc.

L’emprise de cette allée, dans sa partie replantée, comme non encore replantée, accueille aujourd’hui une piste cyclable reliant Versailles à Villepreux. Il s’agit, par conséquent, sans nul doute, d’une « liaison à renforcer » par la poursuite des replantations. Cela, en pleine cohérence avec les objectifs nationaux de plantation d’arbres.

Deux autres parmi les cinq allées, rayonnant jadis dans le parc de chasse depuis l’Etoile Royale créée par Le Nôtre, mériteraient de figurer parmi les « liaisons à renforcer ».

Plan de Saint-Cyr par Bourgault (1694). De gauche à droite : allées de Saint-Cyr, de Fontenay et de Villepreux (Axe Royal). Le mur rectiligne du Petit Parc (1685) apparaît en bas, au-dessus de la mention "Parc de Versailles".
Emprise de l’allée de Saint-Cyr.

Il s’agit, tout d’abord, de l’emprise de l’ancienne avenue de Saint-Cyr. Celle-ci, toujours lisible dans le parc de Versailles, est protégée sur le territoire de cette commune par une zone non aedificandi parcourant les terrains de Pion (hors domaine de l’EPV), mais pas au-delà, sur le territoire de la commune de Saint-Cyr. Son emprise est pourtant non construite (à l’exception de quelques hangars légers de l’aérodrome de Saint-Cyr qui pourraient être déplacés à terme). L’un des côtés de l’allée est même conservé dans l’enceinte de l’ancienne école de Saint-Cyr, qu’elle desservait sous Louis XIV. Il convient de s’assurer, par la matérialisation d’une « liaison à renforcer », que son tracé sera toujours libre de constructions afin de permettre, à terme, sa replantation.

Emprises des allées de Villepreux et de Maintenon (lien avec Marly).

L’emprise de l’ancienne allée de Maintenon, lien entre les domaines de Versailles et de Marly, rayonnant à partir de l’Etoile Royale, mériterait également d’être sanctuarisée. Sa trajectoire est, pour l’heure, épargnée par les constructions mais pourrait être interrompue à l’Est de Bailly, où l’urbanisation menace de rejoindre celle de Rocquencourt. Créer une « liaison à renforcer » à l’emplacement de l’ancienne avenue de Maintenon est d’autant plus justifié que celle-ci longe un ancien télégraphe de Chappe, inscrit au titre des monuments historiques et récemment restauré, et pourrait desservir le fort du Trou d’Enfer, où le projet de SDRIF situe un futur « espace de loisir d’intérêt régional », mais aussi l’ancienne ferme royale du Trou d’Enfer.

L’identification de « liaisons à renforcer » sur l’assise des anciennes allées de Saint-Cyr, de Villepreux et de Maintenon ferait d’ailleurs pendant, côté Ouest, au trident identifié par le projet de SDRIF, côté Est, dans la ville de Versailles (avenues de Sceaux, de Paris et de Saint-Cloud). Versailles serait ainsi au centre d’une composition rayonnante, partie tournée vers le Grand Paris, partie vers la plaine de Versailles, manifestant ainsi son rôle de charnière entre l’urbain et le rural.

  • Vers un parc naturel régional (PNR) de la Plaine de Versailles ?

La logique aujourd’hui mise en œuvre par le projet de SDRIF serait parfaitement cohérente avec la création d’un Parc Naturel Régional (PNR) de la plaine de Versailles, débutant aux grilles du château et allant bien au-delà de la Mauldre. Il pourrait être combiné avec certains labels (Opération Grand Site ou Réserve de Biosphère) et son périmètre s’inspirer de l’ancienne Zone naturelle d’équilibre (ZNE) définie dans les années 70.

Carte Zones naturelles d’équilibre (ZNE) (ces dernières sont entourées de pointillés noirs). Dans Monique Toublanc and Sophie Bonin, "Planifier les trames vertes dans les aires urbaines".
Carte des PNR franciliens. La Plaine de Versailles est la seule ZNE ne faisant
pas l’objet, pour tout ou partie, d’un PNR en vigueur ou en projet. Image extraite du site PNR de la Haute-Vallée de Chevreuse.

Un audit conduit pour le compte de notre association dans le cadre d’un projet de fin d’études à l’AgroParisTech a mis en évidence les convergences autour de ce projet de PNR.

Julien Lacaze, président de Sites & Monuments

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